Lettre ouverte: temps d’écran chez les tout-petits

Sont cosignataires de cette lettre:

Olivier Legault, pédiatre du développement au CHU Sainte-Justine

Arielle Bélisle, neuropsychologue et vice-présidente clinique et scientifique de l’Association québécoise des neuropsychologues

Dominique Cousineau, pédiatre du développement au CHU Sainte-Justine

Paul-André Gallant, orthophoniste, MBA, ASC, M.P.O. président de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec

Félix-David L. Soucis, psychoéducateur et président de l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec

Éric Poulin, optométriste et président de l’Ordre des optométristes du Québec

Temps d’écran chez les tout-petits : unissons les actions des familles et des professionnels qui les soutiennent

Entendre les oiseaux chanter, sentir le gazon sous ses pieds, prendre un ami par la main… C’est en explorant son environnement, en jouant et en interagissant avec son entourage qu’un tout-petit apprend, activement et à son propre rythme. Durant les cinq premières années de la vie, ces interactions dynamiques influencent de façon durable le développement de son cerveau. L’exposition passive et intensive aux écrans en bas âge interfère avec cette construction naturelle.

Parmi la multitude d’effets négatifs de la surexposition aux écrans, relevés dans le rapport de l’Observatoire des tout-petits publié plus tôt cette semaine, figurent des difficultés dans l’apprentissage du langage, de la communication, de l’autorégulation des émotions et de la socialisation. C’est pourquoi, en tant que professionnelles et professionnels intervenant auprès d’enfants et de leur entourage, nous sommes particulièrement préoccupés par l’omniprésence croissante des écrans dans leur vie.

En plus des conséquences sur le développement neurologique et du risque de développer une dépendance aux écrans, des conséquences sur la santé physique sont également à considérer. À titre d’exemple, la myopie chez les enfants a doublé depuis les 20 dernières années et se présente de plus en plus tôt[i]. Cette augmentation s’expliquerait, entre autres, par une plus grande sollicitation de la vision de proche, due à l’utilisation de petits écrans comme ceux d’un téléphone intelligent ou d’une tablette.

La gestion des écrans, un défi inédit pour tous

Les écrans nous suivent partout. Le téléphone intelligent est devenu indispensable pour la majorité d’entre nous. Les familles, ainsi que le personnel éducateur et enseignant, font face à un défi inédit : la gestion des technologies numériques dans la vie des enfants. Or, les enfants, comme on le sait, apprennent par l’exemple. Qu’apprennent-ils quand, en leur présence, le regard des adultes est captif de leur écran? Quel message un tout-petit reçoit-il lors que nous lui tendons un écran pour l’occuper lors des temps d’attente, pour le calmer ou le réconforter? L’écran se retrouve alors à combler le temps non encadré où l’enfant s’ennuie, un moment pourtant essentiel au développement de la créativité, l’initiative, l’autonomie dans le jeu et l’autogestion des émotions. Sans nous en rendre compte, ne sommes-nous pas en train de donner un rôle central aux écrans? Il y a lieu de se questionner.

Soutenons les familles pour favoriser le développement des tout-petits

Considérant les impacts négatifs connus des écrans, il est essentiel d’agir en prévention, et ce, dès la petite enfance. Nous devons collectivement nous préoccuper de l’exposition aux écrans durant cette période importante et soutenir les parents dans le contexte de cette nouvelle réalité. C’est pourquoi il est essentiel que les professionnelles et professionnels intervenant auprès des enfants et leur famille :

  • demeurent informés sur les connaissances scientifiques les plus à jour sur le sujet;
  • amorcent un dialogue avec les parents le plus tôt possible;
  • communiquent aux parents un message clair et cohérent sur l’usage des écrans : avant deux ans on évite, après deux ans on limite et on accompagne l’enfant dans le visionnement.

Afin d’appuyer la prise de conscience, nous appelons le ministère de la Santé et des Services sociaux à tenir compte des particularités de la petite enfance dans les discussions sur la place des écrans dans l’éducation des enfants et dans les pratiques et programmes déjà en place.

Les tout-petits dépendent entièrement des adultes pour leur utilisation des écrans. Au-delà des familles, tous ceux qui sont concernés par le bien-être des tout-petits ont la responsabilité d’agir afin de minimiser les risques.

Chaque tout-petit du Québec doit pouvoir se développer à son plein potentiel!

Références :

[i] VITALE, S., R.D. SPERDUTO et F.L. FERRIS. « Increased prevalence of myopia in the United States between 1971-1972 and 1999-2004 ». Archives of Ophthalmology, 2009, 127(12):1632-39.

Observatoire des tout-petits (septembre, 2024). Rapport : les écrans et les tout-petits